Des espaces de nature très réduits et terriblement en danger

L’association a une forte connaissance de terrain sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille. C’est pourquoi nous vous présentons, selon nous, les enjeux de préservation des espaces de nature de la Métropole Européenne de Lille. 

Avec ses 95 communes et ses 1,2 million d’habitants, la Métropole Européenne de Lille (MEL) est un territoire très contraint : c’est une des métropoles les plus peuplées de France. C’est également la métropole la plus agricole (45% de son territoire et 750 exploitations) et elle a été un des centres industriels les plus importants du pays (textile, métallurgie, chimie). C’est peu dire qu’avec ces titres de gloire, il reste aujourd’hui peu de place pour la nature !

Nous regrettons de constater que le PLU2 (Plan Local d’Urbanisme métropolitain) qui vient d’être adopté (décembre 2019) n’a pas pris la mesure de ces enjeux, même s’il maîtrise désormais certains éléments de langage environnementaux. Ainsi, la mise en application de ce PLU2 n’est pas favorable aux espaces de nature : ni aux cours d’eau, ni aux prairies, ni aux espaces arborés ou arbustifs, ni aux nappes d’eau souterraines, ni aux espèces menacées… On densifie, on développe les routes, le transport aérien, les zones d’activités, les zones commerciales, les recettes du XXe siècle avec un maître mot « INTENSIFICATION URBAINE » sensée protéger les terres agricoles, ce qui n’est en fait pas le cas. 

D’aucune façon, ce qui a conduit au désastre n’est remis en question, à commencer par le principe même de métropolisation qui gouverne consciemment et inconsciemment l’ensemble des politiques publiques. Il s’agit de la concentration ininterrompue de tout (services, logements, emplois, décisions…) au cœur de quelques centres urbains (Métropole Européenne de Lille, agglomération de Boulogne-sur-Mer pour le NPdC) qui poursuivent inexorablement leur croissance quand tous les autres territoires décroissent.

A l’observation du dramatique épuisement des ressources naturelles de ce territoire, c’est ce principe de métropolisation que nous interrogeons. Les limites sont atteintes (eau, biodiversité, air…) ! Il faut changer de logiciel, cesser de faire croître les capitales et les agglomérations, répartir l’activité et la relocaliser sur l’ensemble du territoire régional et accepter la décroissance de nos consommations de ressources naturelles et celles que nous faisons sur les autres territoires !! D’autres que nous y réfléchissent déjà. Par exemple, l’école des territorialistes nous propose de nouveaux outils pour penser et habiter nos territoires dans un principe de coévolution avec les ressources naturelles (La biorégion urbaine, Alberto Magnaghi). 

Nous réclamons sans succès, pour la Métropole Européenne de Lille, un Plan de sauvegarde des espèces menacées qui soit le préalable à toute politique d’aménagement. Vous pouvez télécharger ici le courrier d’interpellation interassociatif pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans le PLU (2019) qui n’a reçu à ce jour aucune réponse.

Pour mieux comprendre ce qu’il en est de l’épuisement des ressources locales, nous vous proposons ci-dessous à très grands traits une synthèse des enjeux écologiques du territoire de la MEL selon les grandes catégories d’espaces en présence.

Pour plus de développement, se référer à nos contributions à la concertation préalable et à l’enquête publique sur le PLU2 de la MEL. A consulter également la contribution inter-associative de la MRES (Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités) à laquelle nous avons beaucoup participé. Vous les trouverez ci-dessous en téléchargement.

La grande fragilité de la ressource en eau !

Berges canalisées des principaux cours d'eau Port industriel de Santes Canal de la Tortue, Lomme-Sequedin
Canal de Roubaix et Canal de l'Espierre à Roubaix-Leers. Le second, égout à ciel ouvert, se déversant régulièrement dans le premier Canal de Roubaix, depuis l'ancienne friche Kulhman, polluée et réhabilitée avec des techniques d'encapsulage de la pollution  La Marque canalisée, Croix

Trois principales rivières canalisées drainent ce pays de marais : la Marque qui se jette dans la Deûle qui elle-même se jette dans la Lys, cette dernière rejoignant le fleuve Escaut. Par ailleurs, un réseau de canaux artificiels s'affranchit de ces lits naturels pour relier la Deûle à la Scarpe (Douai) et à Dunkerque (Canal d'Aire) ou pour relier directement la Marque à l'Escaut (Canal de Roubaix). Ces canaux à grand gabarit à vocation industrielle ont artificialisé les plaines et asséché les milieux marécageux au travers desquels glissaient ces rivières de plat pays.

Leurs berges minérales et verticales ne permettent plus l'implantation des végétaux de bords d'eau et ni de la faune inféodée, ni des zones de frayères, créant un très grand déficit d'habitat naturels dont pâtit en premier lieu la faune. Il n'y a presque plus de roselières, de vasières, de zones d'expansion de crue et les dernières prairies humides (plaine de la Lys, berges de la Marque) font l'objet d'une grande pression immobilière et industrielle.

Au fond de ces rivières, souvent remodelées, on trouve d'importantes pollutions aux métaux lourds, résidus de l'ancienne activité industrielle.

Ces berges ont accueilli et accueillent encore de nombreuses usines ou zones d'activités, des ports industriels ou des haltes de navigation de loisirs qui n'ont nullement été conçus en fonction de la faune et de la flore et qui ne souhaitent pas, pour la plupart, intégrer ces contraintes.

A l'échelle de la MEL, seule la Marque conserve quelques berges naturelles sur sa partie non navigable, entre les limites de la Pévèle, où elle prend sa source, jusqu'à Croix. Ensuite, depuis le Port du Dragon, elle est canalisée et donc artificialisée jusqu'à la Deûle.

Le territoire est parcouru par ailleurs par de nombreux petits cours d'eau dont le chevelu hydrographique (son petit réseau aussi dense qu'un écheveau) a, lui aussi, été gravement perturbé tant par l'urbanisation, l'industrialisation que par l'agriculture. En ville, ces rivières ont servi historiquement de tout-à-l’égout. Ces rivières insalubres, malodorantes, pourvoyeuses de maladies, sont désormais recouvertes par le tissu urbain tout en restant des évacuations pour les eaux usées domestiques et industrielles. Si ces réseaux débouchent désormais sur des stations d'épuration, la pollution à la source se poursuivra sauf à reconstruire l'ensemble des réseaux d'évacuation d'eaux usées de l'ensemble des villes métropolitaines. Ce à quoi, il faudra bien s'atteler un jour... Dans les terres agricoles, ces petits cours d'eaux, rus, fossés, becques ont également beaucoup souffert. Souvent rectifiés, busés, pollués, on n'en retrouve aucun, ou presque, dont le tracé naturel ait été conservé.

Une reconquête timide des principaux milieux humides de bords d'eau a toutefois été amorcée dans les années 2000, pour répondre aux exigences de la Loi européenne sur l'eau (2004) et pour préserver la ressource en eau potable. Citons la création du Parc de la Deûle pour la protection des champs captants du Sud de Lille (avec le Périmètre d'Intérêt Général de ce même secteur), la requalification du Canal de Roubaix et celle de la station d'épuration de Grimonpont, le classement d'une partie de la Marque en Réserve Naturelle avec le lac (artificiel) de Villeneuve d'Ascq (lac du Héron) et l'établissement de deux ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) de type I et II autour des derniers méandres "naturels" de ce cours d'eau. Cet essor qualitatif a été accompagné dans les années 2000, de la création des espaces naturels de Lille Métropole (avec ces grands parcs nature : Lac du Héron, Marais de Santes, Prés du Hem, Parc Mosaïc). Il est cependant dommage que l'accès à la moitié de ces très beaux parcs reste payant et hors de portée de nombreux habitants métropolitains. Nous nous désolons également de l'abandon par la MEL de cette politique ambitieuse de création de milieux naturels, avec le démontage en règle du dispositif d'acquisition de foncier ainsi que de requalification et de gestion de ces espaces, mis en place par le précédant exécutif métropolitain et qui a très bien fonctionné jusqu'en 2014. 

Nous regrettons enfin que les classements ZNIEFF et corridors écologiques des berges et des espaces attenants de la Marque ne permettent aucunement leur protection. A titre d'exemple, la MEL souhaite établir une déchetterie à Forest-sur-Marque, sur un espace qui longe la rivière et entame son corridor écologique. 

Renaturation de berges face au Port Fluvial à Lille (Bois-Blancs). C'est donc possible et à généraliser ! Idem face au Parc Mosaïc à Houplin-Ancoisne Requalification du Marais de la Tortue (Périmètre de Protection des champs captants de la nappe de la craie)

Les nappes d'eau souterraines de la MEL ont également beaucoup souffert de l'histoire industrielle et de l'agriculture intensive pratiquée sur le territoire. Elles ne permettent pas aujourd'hui de fournir la totalité de la population en eau potable. La nappe de la Craie au Sud de Lille produit encore une eau propre à la consommation qui représente 40% des besoins locaux. Elle est protégée par le Périmètre d'Intérêt Général des champs captants du Sud de Lille et le périmètre de son aire d'alimentation (qui couvrent 40 communes dont 21 sur la MEL) mais connaît des difficultés de recharge avec le dérèglement climatique et les sécheresses qui s'accumulent. Cette même nappe, plus au Nord, au droit de Lille, est polluée. La nappe du carbonifère, plus profonde, protégée par des couches géologiques imperméables est restée de bonne qualité. Mais elle ne peut alimenter que 10% des besoins. Le reste est importé d'autres territoires non sans conséquence sur leurs qualités hydrographiques et leur résistance au dérèglement climatique (Aire-sur-la-Lys, forêt de Mormal). On a ici atteint les limites des ressources naturelles du territoire et pour alimenter la Métropole, on met en danger les capacités de résistance du seul massif forestier d'importance du département du Nord, face au dérèglement climatique. Cette "autoroute de l'eau" telle qu'a été nommée, cette mise en perfusion de la MEL au détriment d'autres territoires, n'est pas une solution durable.

Malgré cette immense fragilité généralisée, il est pourtant encore très difficile de faire admettre le principe de protection des corridors écologiques humides que sont les cours d'eau et leurs berges dans les documents d'urbanisme. De là même façon, il a fallu que le Préfet intervienne (2018) pour faire annuler l'ensemble des projets d'extension urbaine que le nouveau PLU de la MEL envisageait alors sur le territoire des champs captants du Sud de Lille sans prise en compte de la protection de la nappe de la Craie. Et à ce jour (mai 2020), certains projets de ce territoire sont toujours d'actualité dont un demi-échangeur sur des terres agricoles à Templemars...

A contrario, le SAGE (Schéma de Protection et d'Aménagement des Eaux) de la Deûle et de la Marque, qui vient d'être adopté (2019) et qui est beaucoup plus favorable à ces milieux, doit s'imposer aux documents inférieurs que sont les PLU et les SCOT qui devront être compatibles avec ses recommandations. Faudrait-t-il encore que les rapports de force politique ainsi que les mobilisations citoyennes agissent en sa faveur. . 

Une sorte de peau de chagrin

Les milieux forestiers ou boisés sont relictuels ; nous sommes avec l'Arrageois, le territoire le moins doté en arbres de la France entière.

Les anciennes fortifications et constructions militaires, avec leurs zones non aedificandi (non constructibles), ont permis le maintien de petites zones boisées aujourd'hui encore protégées : Parc de la Citadelle à Lille, Fort de Mons... Une petite forêt persiste à proximité de la MEL, celle de Phalempin, très jeune car entièrement rasée à la première guerre mondiale et en partie détruite par la construction de l'Autoroute A1. Elle est très fréquentée par les métropolitains, la Ville de Lille y ayant implanté une "école de la forêt" mais elle est hors de notre périmètre d'analyse. Sur la MEL donc, les espaces arborés de relative importance sont peu nombreux : - en espaces publics, on trouve le Bois de Boulogne (Parc de la Citadelle) à Lille (80 hectares) et le Marais de Santes (50 hectares) -  en espaces privés, le Bois de Warwames sur  Croix et Hem (50 hectares) et le Parc du Septentrion (60 hectares) à Marcq-en-Barœul.

Bois de Boulogne, Lille Cimetière du Sud, Lille Parc de la Maison des Enfants, Lomme

Notons que les milieux boisés souffrent aussi d'une très grande fréquentation, de la proximité du trafic automobile, de la pollution lumineuse ou encore de modes de gestion inadaptés... qui nuisent tous à la faune et à la flore sauvages. Ainsi, l'écureuil roux, présent à Lille dans les années 90, a disparu quand il a été décidé d'éradiquer les fourrés arbustifs de la citadelle pour des raisons de sécurité. Tout est donc extrêmement fragile et la moindre décision prise sans cette conscience peut conduire à de nouveaux désastres. Autre exemple plus récent : l'abandon par la Ville de Lille, pour des raisons d'économie budgétaire, de la gestion du Triangle des Rouges-Barres (15 ha) à la SNCF, a conduit à une mise à blanc d'une grande partie de son couvert forestier, et ce alors que pendant près de 20 ans, les services de la Ville avait soigné avec délicatesse cet espace transformé en refuge naturel. 

Triangle des Rouges-Barres avant l'intervention de la SNCF

Les talus et délaissés techniques ferrés (dont ce fameux Triangle des Rouges-Barres ) ou autoroutiers peuvent présenter un couvert arboré.

Corridor arboré de la voie ferrée, Roubaix Idem

Ces espaces ne disposent cependant d'aucune protection ni d'aucun plan de gestion et peuvent être mis à blanc du jour au lendemain par la SNCF ou la Société d'exploitation des Autoroutes, ce qui se fait régulièrement au grand désespoir des riverains et des naturalistes. Ces pratiques d'un autre âge ne se justifient pas. En Belgique par exemple, la SNCB a mis en place une "gestion étagée", respectueuse des différentes strates végétales ainsi que de la sécurité. Parce que, oui bien sûr, cela est possible.

Protection des boisements du Parc de la Tortue à Santes Destruction du Parc de l'Institut Saint-Vincent à Loos

Quelques très rares nouveaux boisements voient le jour et il n'a pu y avoir jusqu'à aujourd'hui que deux types de raisons permettant l'arrivée de ces nouveaux venus :

  • soit ils se situent dans le périmètre des champs captants du Sud de Lille, dans les marais de la Deûle (Parc de la Deûle) et bénéficient des actions pour la reconquête de la ressource en eau potable,
  • soit ils se situent sur une ancienne friche industrielle trop polluée pour accepter tout autre « projet » (ancienne friche Kulhman de Roubaix-Leers, friche Danel à Loos).

Boisement du Parc de la Deûle, champs captants

Une disparition inexorable

Prairie et fourrés arbustifs de délaissé autoroutier, Ronchin Prairie sèche et forêt pionnière arbustive de la Gare de la Délivrance à Lomme Prairie fleurie, Lille

Eléments de paysage produits par une d'agriculture qui n'est plus présente sur le territoire, les espaces prairiaux et arbustifs de la MEL disparaissent les uns après les autres, leur valeur d'usage n'étant plus reconnue.

L'agriculture chimique des grandes cultures ouvertes a banni des champs les fleurs sauvages compagnes des céréales (coquelicot, nielle des blés...). Les prairies de pâture sont très peu présentes car l'élevage est très réduit sur la Métropole.

Restent les bords de chemins agricoles eux-mêmes en voie de disparition et les bords de routes. Ces derniers sont paradoxalement ceux qui ont été les plus accueillants à la flore sauvage ces dernières années avec la mise en place de plans de gestion écologique ou différenciée de ces talus - fauche tardive plutôt que tontes - pour permettre justement la réapparition de ces plantes sauvages. Mention spéciale au Département du Nord qui a mis en place un projet ambitieux en la matière.

Restent également les espaces enherbés des villes, quand une gestion différenciée des pelouses y est pratiquée, avec fauche tardive. Beaucoup prétendent le faire mais leurs pratiques sont de qualité irrégulière :  on fait toujours la chasse à la mauvaise herbe et dès que les beaux jours arrivent, la tondeuse passe tous les dix jours dans des endroits où cela n'est pas nécessaire...

Les milieux arbustifs classiquement représentés par les haies et les boisements jeunes ont disparu des plateaux céréaliers dès le moyen-âge et donc du plateau du Mélantois pour le Sud de la Métropole. Les grandes cultures s'étant généralisées au reste du territoire au cours du XXe siècle, elles ont fait disparaître la plus grande partie du réseau bocager qui préexistait. Subsistent ça et là, de façon ponctuelle, comme en sursis, des haies bocagères d'arbustes locaux, des rangées de saules têtards ou des petits vergers. Les villes pratiquant la gestion différenciée les réintroduisent cependant dans leurs parcs et jardins. De même, on trouve encore, dans les jardins privés des communes plus rurales, des réseaux d'arbres et d'arbustes, fruitiers et bocagers, qui restent un des seuls refuges de la faune inféodée à ces milieux

.

Réseau de haies et d'arbres fruitiers liés à l'habitat rural

A ne pas sous-estimer non plus, l'apport des friches arbustives en tant qu'espaces refuge pour les passereaux et la flore sauvage ! Nombreux sont les petits oiseaux dont les populations se sont effondrées au cours des dernières années (entre 60 et 80% de perte d'effectif) et qui sont cependant présents sur ces espaces (chardonneret élégant, verdier d'Europe, linotte mélodieuse, fauvette grisette...). Malheureusement ces espaces font aujourd'hui partie des projets d'urbanisation des décideurs sans prise en compte de cette richesse faunistique. 

Lire ici notre courrier d'interpellation inter-associatif pour un plan de sauvegarde des espèces menacées à l'échelle de la MEL.

Pour plus d'informations sur l'évolution des populations d'oiseaux, suivre les publications du GON (Groupe Ornithologique et Naturaliste des Hauts-de-France), dont les bénévoles parcourent inlassablement le territoire pour en inventorier les espèces.

Enfin, il nous faut bien sûr citer ici le travail remarquable de l'association des Planteurs volontaires des Hauts-de-France qui plante à chaque saison des dizaines de milliers d'arbres et d'arbustes, en partenariat avec le monde agricole et des citadins bénévoles. Ils animent ainsi de nombreux chantiers participatifs de reconstitution de haies. Cet travail de fourmis, avec des moyens réduits, ne semble pas compenser ce qui est arraché et détruit chaque année par ailleurs.

Des espaces agricoles morcelés, toujours en régression 

Nous l’avons dit, la MEL est une métropole agricole avec près de 45% de son territoire cultivé selon un modèle ultra dominant d’agriculture industrielle et chimique. 

L'urbanisation du XXe siècle et de ces dernières années a consommé énormément de terres agricoles sur le périmètre de la MEL. La ceinture maraîchère et les jardins familiaux qui assuraient encore une production vivrière après la seconde guerre mondiale ont quasiment disparu. Et le nouveau Plan Local d’Urbanisme de la MEL (PLU2) envisage encore une importante consommation de terres pour ses projets de logements, de zones d’activité et de zones commerciales extensives, ainsi que pour les transports. Proportionnellement, sauf sur le territoire des champs captants sur lequel les projets ont été gelés par le Préfet, le taux d'urbanisation du reste des terres agricoles est le même que celui réalisé par le précédant PLU ! Ce qui dénote une incompréhension totale de la crise environnementale dans laquelle nous sommes, et un certain talent de communicante puisque la MEL prétend le contraire. Elle omet en effet de prendre en compte dans ses calculs, les terres qu'elle a classé en "à urbaniser différé" en ne comptabilisant dans son compte foncier que les terres "à urbaniser" et ce, tout en introduisant dans sa moyenne la situation particulière des champs captants. Comme quoi, les chiffres peuvent être trompeurs si on s'intéresse pas à leur construction.

Cette situation conduit à des résistances locales nouvelles qui associent agriculteurs et citadins. Citons notamment les mobilisations contre les projets d’urbanisation des Muchaux (Lambersart, Saint-André), de Baisieux ou encore du Plateau de Fléquières qui ont pu faire reculer certains de ces projets.

Rappelons également que le Préfet a tapé sur la table pour faire annuler des projets d'extension urbaine sur le périmètre des champs captants, ce qui met les acteurs de ce territoire devant la nécessité de réinventer une agriculture compatible avec la préservation de la ressource en eau. En espérant toutefois que le maintien d'un demi-échangeur à Templemars ne puisse se réaliser sur des terres agricoles comme il en est encore question, ni l'extension d'Eurasanté, tous deux encore à l'ordre du jour ! Dans la série des petits agacements, nous partageons avec vous notre étonnement devant la réponse qui a été faite à deux jeunes maraîchers qui souhaitaient s'installer sur le territoire des champs captants et à qui on a refusé la mise en place de serres tunnels pour  "protéger la nappe" (tout en maintenant les projets d'échangeur sur Templemars, d'extension d'Eurasanté sur Fléquières et de comblement de la carrière de Loos-Emmerin). Tout aussi surprenante, l'annulation du projet de quartier sur la plaine des Muchaux à Lambersart et Saint-André, n'a pas entraîné de facto l'annulation d'un certain nombre de projets immobiliers sur le site, qui se poursuivent tranquillement. Voilà, n'est-ce pas, des informations encourageantes pour l'avenir du territoire.

Des paysages qui vont continuer d'évoluer

Nous avons déjà parlé des initiatives des Planteurs volontaires pour soutenir la replantation de haies, en partenariat avec le milieu agricole. Ces haies avaient été arrachées courant XXe et on commence à les replanter aujourd'hui en reconsidérant l'ensemble de leurs apports à la fertilité des sols, à la lutte contre l'érosion et à la biodiversité. De nouveaux dessins de paysage vont donc continuer d'apparaître dont certains très inhabituels en raison du changement climatique. En effet, pour faciliter l'adaptation des cultures à des températures plus élevées et des apports en eau moindres, l'agro-foresterie propose aujourd'hui de nouveaux principes qui modifieront nos paysages. Voir pousser un alignement d'arbres fruitiers au milieu d'un champs de céréales, voilà qui ne sera pas commun et qui peut demain nous surprendre. 

La mainmise d'une agriculture industrielle

Nous regrettons que les pratiques culturales locales n'intègrent quasiment pas les labels biologiques ni l'accueil de la biodiversité. Pédofaune (faune du sol), invertébrés, passereaux, corvidés, laridés, rapaces, mammifères... tous avaient une place acquise en territoire agricole, qui leur a été enlevée au cours du XXe siècle. En cause, les produits chimiques, l'arrachage des haies, la disparition des chemins et de leur talus enherbés, celle des prairies et surtout la disparition de la paysannerie...  Et en la matière, la Métropole est un très bon exemple.  Cette violence, est la même qui fut appliquée aux hommes (dans les usines, dans les champs, dans les familles), aux cours d'eau, aux nappes phréatiques, aux animaux domestiques, etc. C'est celle de la domination d'un modèle industriel alors même que tout le système devrait favoriser le modèle paysan et permettre la conversion des exploitations à une agriculture de préservation des sols et de la ressource en eau. Se jouent là la santé des agriculteurs, la co-existence avec la faune sauvage, le lien restauré avec les populations, notre autonomie alimentaire... Mais le système, malheureusement, se concentre sur l'importation de céréales à moindre coût, la fourniture de pommes de terre à des usines à frites, l'expropriation des terres agricoles, l'intégration des bâtiments de BAYER sur des zones d'activités dédiées à la santé, le déploiement généralisé des unités de méthanisation (un nouvel Eldorado qui va en faire pleurer plus d'un), les fermes usines... etc

Pour se convaincre, s'il est besoin, qu'il est possible de restaurer une agriculture respectueuse des sols, alliée de la biodiversité, attachée à son terroir et à son histoire, nous recommandons l'écoute et la lecture des travaux du couple d'agro-écologues, les Bourguignons.

Sur la question de la méthanisation, nous préparons une publication spécifique avec la MRES et l'association EDA

Il ne doit pas être simple d'être un agriculteur sur la MEL.

Chaque année voit naître un projet immobilier, une route, une zone d'activité qui grignotent et fractionnent leurs terres. Pour un paysan, accéder aux cultures en engin agricole peut prendre un temps fou et des kilométrages de plus en plus importants, et ce dans une journée très contrainte ! Il faut reconnaître les gênes occasionnées par des promeneurs peu respectueux (déchets), les dépôts sauvages, les passages de quads et de motos... Il faut reconnaître la violence du marché, l'immense travail effectué, la mondialisation profiteuse, la précarité et la solitude obligées. Leurs terres sont souvent à côté d'une autoroute, d'une voie ferrée, d'un canal, d'un aéroport, de zones d'activité, de friches polluées... dont la construction et l'activité ont malmené le paysage et exproprié les générations précédentes, sans compter les nuisances (trafic, bruits, rejets...) qui perdurent. Enfin, s'il est juste et légitime de prendre en compte les demandes de riverains pour un recul des épandages et des traitements chimiques des cultures, loin de leurs habitations, qu'en est-il du recul des rejets liés au trafic automobile ou aérien, dont une partie est due à ces mêmes riverains qui encombrent également les zones commerciales le week-end, zones commerciales pour lesquelles on continue de vouloir construire des routes et des échangeurs sur les terres agricoles...

Les conflits sont nombreux, les raisons de conflits le sont tout autant chacun considérant que le coupable c'est l'autre... celui qui épand ou celui qui achète à bas prix des pâtes et des farines industrielles importées de l'autre bout du monde (merci la mondialisation), ce qui tue l'agriculture locale.

Il est temps de relocaliser notre agriculture, de restaurer l'autonomie alimentaire locale, de reconstruire des relations privilégiées et solidaires producteurs-consommateurs, tous embarqués sur le même territoire, face à un dérèglement climatique dont l'expression sera de plus en plus forte.

Alors à nos yeux, le soin du territoire c'est reconstruire ou redonner une place à chacun et par la même, faire cesser la violence de la destruction du vivant. 

Les friches et les espaces industriels, des espaces convoités

Il existe sur la MEL de nombreuses friches (qui font l'objet de nombreuses spéculations immobilières).

La grande crise économique de la fin du XXe siècle fut très marquée sur la Métropole. Elle entraîna la fermeture de nombreux sites industriels qui restèrent en friche. On vit alors apparaître, petit à petit, de nouveaux milieux naturels, constitués d'une végétation pionnière qui prit place spontanément sur des sols très perturbés et pour beaucoup d'entre eux pollués. Ce sont pourtant aujourd'hui les seuls espaces à l'échelle de la Métropole qui ne sont pas gérés et donc qui laissent les végétaux s'exprimer spontanément et réaliser leur cycle annuel. La nature ne s'y trompe pas : ce sont souvent de véritables espaces refuges. On y trouve aussi bien des boisements jeunes que des milieux arbustifs et prairiaux. De nombreuses espèces protégées y vivent mais la MEL n'a effectué aucun inventaire naturaliste global de ces espaces, alors même que dans l'évaluation environnementale du précédant PLU, elle en reconnaît toute l'importance.

Ces caractéristiques naturelles sont également celles de quelques espaces industriels d'envergure, laissés en attente de nouveaux projets comme d'anciennes carrières (Loos-Emmerin, Lomme), ou des gares dont l'activité a baissé mais qui peuvent demain connaître un renouveau (Lomme, Tourcoing).

Un accès à la nature insuffisant et inégalitaire 

Trop peu d'espaces verts publics dans le tissu urbain

La Métropole Européenne de Lille dispose de très peu d'espaces verts publics. Les villes de Lille et de Roubaix, pour ne citer qu'elles, ont le plus petit taux national d'espaces verts publics par habitants (14 m2 et 8, respectivement).

Paradoxalement, la priorité des politiques publiques n'a pas été d'améliorer cet état de fait. Ainsi, les 6 golfs de la métropole urbaine, créés au siècle dernier, ont une surface équivalente à celle des 6 plus grands espaces verts publics. Ces golfs peuvent poursuivre tranquillement leurs activités, rien ne les remet en question aujourd'hui mais de jeunes maraîchers ne peuvent s'installer sur la métropole et les habitants des villes n'ont pas d'espaces suffisamment d'espaces verts pour leurs loisirs. 

Les espaces verts publics sont insuffisants. Les populations urbaines s'en rendent bien compte. Et elles savent également que les m2 par habitant incluent les cimetières et les talus d'autoroute ! C'est dire... Elles réclament d'autres politiques publiques métropolitaines et communales pour faire grandir, année après année, la surface des espaces verts publics. Elles réclament que chaque projet d'aménagement y contribue et que certains grands espaces privés puissent devenir publics.

Si nous saluons sincèrement la seule politique de création d'espaces verts de loisirs qu'a connu la MEL, avec dans les années 2000, la constitution des Espaces Naturels Métropolitains, nous regrettons qu'elle ait favorisé l'émergence d'un modèle d'espaces de nature payants (même si tous ne le sont pas) et surtout accessibles en voiture. Et bien sûr, nous déplorons l'abandon de cette politique de reconquête naturelle par le pouvoir métropolitain actuel. Ce n'est pas 10 000 hectares pour les entreprises qu'il faut (en référence à un célèbre slogan métropolitain) mais 10 000 hectares pour la nature !

Des espaces privés aux différences très marquées

De forme très diverses, la typologie des espaces verts privés révèle encore les grandes inégalités sociales de la Métropole. On observe en effet deux catégories de jardins.

  • un réseau de jardins de maison ouvrières, issu de l'urbanisation du XIXe et du début du XXe. Les petites maisons du Nord, toujours en place en raison de leur qualité de construction, offrent à leurs habitants des petits jardins arrière où l'on trouve des potagers, des massifs fleuris, des rosiers, des plantes aromatiques, des pelouse et également quelques haies arbustives (forsythias, lilas, thuyas, troènes) mais généralement très peu de grands arbres. Cela reste cependant un des refuges pour les insectes et les oiseaux et même des petits mammifères encore présents dans le tissu urbain central de la métropole (de Lille à Roubaix-Tourcoing). 
  • un réseau de jardins de quartiers privés haut-de-gamme. Certains furent construits au sein même de grands parcs, eux-mêmes héritages d'anciennes propriétés religieuses ou aristocratiques. C'est le cas par exemple de la résidence de la Tribonnerie à Hem, du quartier du Nouveau-Monde à Loos, de la résidence de la Pleïade à Lomme. A partir des années 1960, il n'est pas une ville qui n'ait sacrifié à ce modèle d'urbanisation offert clés en main par la promotion immobilière. La différence avec les premiers réseaux de jardins, c'est la taille des jardins et la présence des grands arbres... Quand les promoteurs ont été intelligents, ils ont en effet conservé les plus beaux sujets arborés, offrant ainsi un cadre enchanteurs à leurs futurs acheteurs. On retrouve également ces réseaux de jardins arborés dans les quartiers chics de la métropole, plus anciens, comme le quartier de Beaumont à Croix, autour de Barbieux à Roubaix, le quartier Haumont à Mouvaux, quartier de l'Hippodrome à Lambersart etc etc. La présence des arbres modifie l'écologie de ces lieux et apporte de grands bénéfices aux habitants de ces quartiers, dont ne bénéficient pas le reste de la population : plus grande résistance au dérèglement climatique (vis à vis des canicules et inondations), meilleure qualité de l'air et présence de plus d'espèces animales.

Les grands jardins et parcs privés en sursis.

Certaines propriétés issues de l'ancien régime ont pu conserver une partie significative de leur parcelle initiale, mais plus pour longtemps !

Ce sont des parcs qui font encore entre 5 et 10 hectares, parfois jusqu'à 15. Ils sont restés dans les mains d'institutions scolaires privées, d'établissements religieux ou hospitaliers. Malheureusement l'époque n'est pas à la valorisation du patrimoine et là encore, tout le système est arc-bouté à faire miroiter à ces institutions dont on exige des résultats économiques de plus en plus importants, la manne dont ils pourraient bénéficier à céder leurs derniers espaces. Et ils cèdent ! Comme l'a fait récemment l'Institut Saint-Vincent à Loos. L'apport écologique et patrimonial d'un parc arboré multi-centenaire, filtrant gratuitement les pollutions de l'A25 attenante, offrant gratuitement un îlot de fraîcheur urbain n'a pas résisté aux sirènes des promoteurs immobiliers. L'ironie fatale étant le langage utilisé par ces derniers comme celui de la vertu : ne proposaient-ils pas en effet dans leur projet, pour garder l'esprit du parc, de maintenir les clairières (et donc de construire sur les boisements) ! Passons...

Cette pression s'exerce également sur les beaux quartiers déjà existants. Tout grand jardin arboré fait aujourd'hui l'objet, au moment d'un changement de propriétaire, d'une division et d'un projet immobilier !

C'est pourquoi nous soulignons la grande fragilité des espaces verts privés urbains au sein de la métropole, victimes eux aussi de la sainte "intensification" et de la poursuite aveugle de la métropolisation. 

Une société civile mobilisée réclamant plus de nature en ville

Dans les initiatives positives, issues de la société civile et parfois reprises ou encouragées par les collectivités, citons bien sûr les Jardins partagés, qui ont connu et connaissent encore un formidable essor sur la métropole, ainsi que les actions de végétalisations de façades et de pieds d'immeuble.

Historiquement, notre territoire est parmi les premiers à avoir initié et soutenu ces initiatives notamment grâce à l'association des A.J.O.N.C (association des Jardins Ouverts Mais Néanmoins Clôturés), pionnière parmi les pionnières qui réussit à faire valoir un modèle qui a désormais largement fait ses preuves. Cela permit d'introduire en ville de nouveaux espaces de nature, qui font l'objet du plus grand soin de leurs usagers qui en sont à la fois les gestionnaires, les décideurs et surtout les amoureux. 

Difficile ici de ne pas évoquer également les jardins familiaux qui ont eux aussi connu une grande vague de disparition après la seconde guerre mondiale, le renouvellement urbain se faisant largement à leurs dépens. Encore récemment, l'extension de la promenade des Flandres, zone commerciale Auchan-Roncq trompeusement nommée, s'est faite en expropriant un dernier bastion de jardins familiaux. Depuis, la promenade n'a pas connu le succès économique espéré et les jardiniers, relocalisés, doivent faire des kilomètres pour pouvoir s'adonner à leur activité. Il n'est qu'à consulter une vue aérienne de Bois-Blancs, de Lille sud ou de Tourcoing... datant des années 50 (grâce au site de l'Institut Géographique National), pour se rendre compte des dégâts. 

Nous considérons que pour répondre à des objectifs d'autonomie alimentaire, de maintien des savoir-faire fondamentaux, de qualité de vie, le territoire devrait intégrer ces espaces prioritairement dans le tissu urbain et non ces projets hors sol d'agriculture urbaine dont la ville du futur hyper connectée et numérisée nous vante les mérites. Comme pour la fameuse serre numérique du Grand Sud à Lille Sud que personne aujourd'hui ne sait faire fonctionner... Bref...

La nature en ville est désormais un enjeu majeur pour tout le monde. Électoralement, c'est un sujet de premier plan. En matière de santé publique, c'est également un des leviers parmi les plus importants : filtration de l'air, production d'oxygène, prévention des inondations, îlots de fraîcheur urbains, réponse au syndrome du manque de nature, réponse à une attente majeure de la population en termes de loisirs et de santé. 

Les mobilisations locales pour la défense des espaces de nature se multiplient. Et il arrive que les citoyens gagnent... Les villes vont devoir donc ré-accepter en leur sein la présence marquée de la nature voire même de nouveaux paysages urbains et de nouvelles architectures. Et, ça, c'est encourageant.