We have a dream

Pour faire face à la crise de la biodiversité, à partir de notre connaissance du territoire, de ses acteurs et de ses habitants ainsi que ses modes d’occupation, nous faisons le rêve d’une certaine trame écologique que nous vous proposons de découvrir sur cette page. Ce rêve suppose un total renversement de regard sur les territoires et le rôle de l’ensemble des parcelles dans l’accueil faune-flore, à l’échelle régionale.

Le rêve d’une trame écologique, qui irrigue tout le territoire, du plus grand au plus petit espace, les reliant tous : voilà ce qui nous anime pour remédier à la crise de la biodiversité !

Nous rêvons d’une trame verte et bleue construite par tou.te.s, qui permette à la vie naturelle de trouver sa place sur toutes les parcelles du territoire régional, y compris dans les espaces les plus imperméables à la biodiversité qui occupent une place particulièrement importante (13% du territoire de la région Nord-Pas de Calais est artificialisé alors que le taux d’artificialisation national est inférieur à 5%).

Nous imaginons un réseau écologique très dense, très ramifié, avec des artères principales, secondaires, moyennes, des petits vaisseaux, des capillaires… développés avec l’implication citoyenne.

Pour mieux comprendre ce grand dessein, nous vous faisons ci-dessous la présentation des notions qui ont guidé et guident encore notre projet associatif. 

En matière de lutte contre l'érosion de la biodiversité, les concepts de réseaux écologiques et de trame verte et bleue sont désormais des principes qui font consensus au sein des milieux scientifiques.

Lutter contre l'érosion de la biodiversité, c'est favoriser le maintien des conditions de vie des espèces. Elles sont complexes et interdépendantes les unes des autres. Sur un territoire donné, il s'agit donc de permettre qu'elles se maintiennent dans le temps, qu'elles ne se dégradent pas.

Pour maintenir les conditions de vie des espèces, il faut répondre à la question suivante : quels sont les éléments constitutifs du territoire indispensables à cet objectif et qu'il faut protéger ? Pour nourrir cette réflexion, des chercheurs en écologie ont proposé des concepts à même de caractériser ces éléments de territoire et leurs échanges écologiques à une large échelle. On parle désormais de réseaux écologiques (les espaces de nature et ce qui les relie). La Trame Verte et Bleue (TVB) est une partie de ces réseaux écologiques, celle qui va être protégée dans les documents réglementaires d'aménagement du territoire.

Si l'écologie étudie la dynamique de la biodiversité (espèces et association d'espèces que forme un écosystème) à différentes échelles du territoire, l'écologie du paysage cherche à repérer les motifs naturels structurants qui composent le territoire et qui intègrent plusieurs écosystèmes. C'est ce qu'on appelle la matrice éco-paysagère. L'écologie du paysage étudie les interactions et les dynamiques entre les composantes physiques, biologiques et sociales des territoires. En effet, il ne suffit pas de connaître l'écologie d'une espèce ou celle d'un écosystème pour comprendre leur évolution dans le temps ou pour restaurer des territoires plus favorables à la biodiversité qu'ils ne le sont aujourd'hui. Il faut prendre en compte leurs évolutions positives ou négatives sous l'effet conjoint de l'ensemble des autres composantes du territoire, notamment l'agriculture et l'urbanisation ainsi que les influences écologiques aux échelles supérieures. Cette nécessaire analyse devrait éclairer les décisions qui président à l'aménagement du territoire.

    • C'est "l'écologie du paysagequi a formalisé au cours de XXe siècle les termes et concepts des réseaux et corridors écologiques qui servent d'appui théorique aux projets d'aménagement du territoire que sont les Trames Vertes et Bleues.
    • Le mot paysage connaît plusieurs significations, selon les époques, selon les disciplines. Il désigne généralement la description de la forme et de l'agencement de territoires qui présentent une certaine homogénéité d'apparence. En français, son étymologie latine fait en premier lieu référence à l'action de l'homme sur l'espace et particulièrement à celle du paysan. Pour les écologues, "le paysage est un niveau d’organisation des systèmes écologiques, supérieur à l’écosystème ; il se caractérise essentiellement par son hétérogénéité et par sa dynamique gouvernée pour partie par les activités humaines" (Baudry & Burel 1999).
    • C'est cette analyse éco-paysagère du territoire qui a posé les principes fondateurs de la construction des Trames Vertes et Bleues ou de la restauration des réseaux écologiques. Ces principes ont été reconnus sur tous les continents mais voient leur mise en œuvre très limitée.
    • Plus récemment, en France, les travaux du Museum National d'Histoire Naturelle se sont particulièrement orientés vers la perméabilité urbaine, soit la possibilité qu'ont les villes de laisser les espèces animales et végétales les pénétrer et échanger avec leur environnement. En la matière, talus techniques de voies ferrées et de canaux, berges de rivières sont souvent repérés comme des corridors écologiques. 

  • la matrice éco-paysagère : c'est le dessin que constituent les éléments dominants d'un paysage. La notion de fragmentation de la matrice éco-paysagère permet de prendre en compte tout élément qui empêche les déplacements d'espèces au sein de cette matrice. Cette matrice peut être plus ou moins favorable à la présence des espèces animales et végétales et au passage des animaux, autrement dit, elle peut être plus ou moins perméable à la biodiversité. Une plus grande perméabilité augmente le degré de naturalité de la matrice. 
  • la naturalité : c'est ce qui décrit le caractère plus ou moins naturel ou spontané d'un milieu. Plus un espace présente des similarités avec son milieu naturel de référence (forêt, prairie, zone humide, zone minérale… ), au sein duquel l'homme intervient le moins possible, plus sa naturalité est forte (espèces végétales sauvages et spontanées réalisant la totalité de leur cycle de vie, évolution du milieu sans la main de l'homme).
  • la connectivité : c'est ce qui permet les déplacements des espèces entre les espaces et donc les capacités d'échanges entre deux espaces.
  • les réseaux écologiques : ils sont constitués de l'ensemble des milieux nécessaires à la faune et à la flore d'un territoire pour répondre à la totalité de leurs besoins vitaux (nourrissage, reproduction, repos, protection). On peut décomposer les réseaux écologiques en plusieurs éléments qui se repèrent sur une vue aérienne. Il s'agira d'identifier les «espaces qui accueillent la biodiversité»  et les «corridors écologiques» qui relient ces espaces entre eux. Ces liaisons sont aériennes, terrestres, souterraines, aquatiques… On comprend que ces réseaux traversent l’ensemble des espaces d’un territoire, de façon plus ou moins marquée et donc que chaque espace joue un rôle dans le déplacement des espèces, leur nourrissage ou leur reproduction… Pour décrire ces réseaux, on peut parler de branches principales, de branches annexes, de petits vaisseaux, de capillaires... comme lorsqu'on décrit un réseau sanguin, un réseau racinaire... C'est ici que peut se dessiner la trame irrigatrice que nous défendons, qui pénètre l'ensemble des espaces avec ces corridors et ces micro-corridors écologiques. 

Exemple de la matrice paysagère de l'Avesnois

Naturalité : plus forte quand l'homme intervient peu ou pas du tout

Connectivité des espaces et déplacement des espèces

Un projet institutionnel et réglementaire récent

La Trame Verte et Bleue (TVB) est à la fois un outil juridique et un outil d'aménagement du territoire. C'est un cadre institutionnel et réglementaire mis en place par les Conseils Régionaux.

La Trame Verte et Bleue est la partie protégée institutionnellement de l'ensemble des réseaux écologiques d'un territoire. C’est la partie « la plus apparente» de la matrice éco-paysagère. Elle se construit à partir des espaces de biodiversité majeurs (les réservoirs de biodiversité) et de leurs connexions (les corridors écologiques) auxquels peuvent être affiliés des espaces relais. Les autres espaces, ceux qui ne sont ni réservoirs de biodiversité, ni corridors écologiques majeurs, ni espaces relais, ne sont pas des éléments de TVB : terres agricoles, emprises industrielles, tissu urbain. Pourtant ces espaces occupent une surface très importante sur nos territoires, bien plus importante que celle de la Trame Verte et Bleue ! Et c'est là que vivent une grande partie des espèces animales et végétales dont certaines, d'ailleurs, ne vivent que dans ces espaces ! L'alouette des champs pour ne citer qu'elle ne vit qu'en terres agricoles (et ses populations décroissent dramatiquement !).

En 2009, s'inspirant de l'écologie du paysage et des expérimentations conduites dans différents territoires dont l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais, la Loi Grenelle de l'environnement a confié aux Conseils Régionaux la responsabilité d'identifier leur Trame Verte et Bleue en définissant ce qui a été appelé un Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Il s'agissait de cartographier les réservoirs de biodiversité, les espaces relais et les principaux corridors, à l'échelle régionale. 

La Loi impose alors aux territoires locaux d'intégrer, dans leurs documents réglementaires directeurs (SCOT, PLU, charte de PNR) la protection du SRCE ainsi défini. Cette protection n'est cependant pas «opposable» juridiquement. Elle définit simplement des espaces dont les fonctions écologiques doivent être obligatoirement "prises en compte" par les aménageurs : leur seule obligation est de les "compenser" s'ils sont amenés à les détruire.

Pour en savoir plus sur la Trame Verte et Bleue, voici le lien vers le centre de ressource national.

Dépasser un effroyable gâchis

Le Schéma Régional de Cohérence Écologique - Trame Verte et Bleue du Nord-Pas-de-Calais (SRCE-TVB 2015) était un outil ambitieux, abouti, fruit d'une longue concertation avec les acteurs du territoire.

Il a malheureusement dû être abandonné par décision de justice dans le cadre d'un recours porté par la Fédération Régionale de la Chasse qui a fait valoir une faille administrative liée au rôle de l'Etat dans la construction de ce document. Cela ne remettait nullement en cause la qualité du travail mais cela a permis de faire annuler sa portée juridique.

Ce document fait cependant toujours référence et l'ensemble des acteurs véritablement concernés par l'écologie du territoire continuent de le consulter, mais il n'a aucune valeur réglementaire. Pour profiter de ses lumières, c'est ici. Pour consulter son atlas, c'est là.

Une Trame Verte et Bleue régionale désormais sans protection

La création de la grande Région Hauts-de-France a porté au pouvoir ceux-là même qui avaient attaqué le SRCE-TVB du Nord-Pas-de-Calais en justice.

Il est donc logique que rien ne soit venu remplacer ce document pourtant indispensable (et obligatoire) !

La Loi Notre (2016) modifia encore le contexte juridique pour imposer aux Régions de produire un seul document directeur (le SRADDET, Schéma Régional d'Aménagement et de Développement Durable et d'Egalité des Territoires) qui intègre l'ensemble des politiques d'aménagement d'une Région, dont son SRCE.

C'est peu dire que le SRADDET Hauts-de-France proposé à l'enquête publique fin 2019 ne portait pas suffisamment d'ambition environnementale. Le respect du vivant, sa fragilité en matière de capacités de renouvellement, n'ont nullement été pris en compte dans ce document (pas plus que la préservation des terres agricoles). Quant à son volet biodiversité ou Trame Verte et Bleue, il était inexistant, ce qu'a souligné l'Autorité Environnementale dont vous pouvez télécharger l'avis, ici.

Egalement téléchargeable, l'avis de la Commission d'Aménagement du Territoire de la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités sur le SRADDET auquel nous avons largement contribué.

La nécessité de dépasser le cadre institutionnel

Accueil du vivant dans le bâti Nature au cimetière Micro corridor écologique urbain Corridor écologique de voie ferrée

Il est fait la démonstration, au travers du triste sort de la Trame Verte et Bleue régionale, qu'une Trame Verte et Bleue institutionnelle est extrêmement fragile. Si elle peut aider à la protection de certains espaces, cela n'est pas suffisant. Un pouvoir politique change et, la voilà à terre, sans que personne ne sache comment réagir. C'est une des raisons pour laquelle nous soutenons les projets locaux, appropriés par les habitants, qui sont les meilleurs défenseurs d'un territoire.

D'autre part, telle qu'elle est définie aujourd'hui par le législateur au travers des SRADDET, la Trame Verte et Bleue ne représente qu'une partie des réseaux écologiques d'une région. Vous l'avez compris, nous estimons que cette définition n'est pas suffisamment protectrice pour la biodiversité dont l'effondrement mérite une approche généralisée. Au projet de Trame Verte et Bleue actuellement porté par la Loi, nous préférons celui plus ambitieux encore de « Trame écologique qui irrigue tout le territoire ».

Chaque parcelle devrait ainsi contribuer au réseau écologique régional, différemment selon ses usages. Les parcelles agricoles, industrielles et urbaines seraient donc intégrées à ce projet. Cela permettrait d'envisager dans une approche dynamique, les conditions de maintien de la biodiversité et des écosystèmes pour l'ensemble de la matrice éco-paysagère du territoire régional.

Il ne s'agirait pas de mettre les espaces sous cloche ou d'empêcher les activités humaines mais de les faire évoluer de façon à améliorer la naturalité et la connectivité de l'ensemble des parcelles.

Pour Entrelianes, c'est la prise en compte des besoins des espèces animales et végétales ainsi que la perméabilité de la matrice éco-paysagère à la biodiversité qui doivent guider l'émergence d'un nouveau modèle agricole et urbain.

L'écologie du paysage nous a offert les outils pour revisiter notre rapport collectif à l'aménagement du territoire et à sa gestion, et ces apports sont véritablement inestimables. Limiter leur application à la défense d'une Trame Verte et Bleue institutionnelle ne protégeant que les parties les plus visibles des réseaux écologiques n'est pas la réponse adaptée à l'ampleur de la crise de la biodiversité. Leur application à l'ensemble des parcelles du territoire est la voie qui s'impose aujourd'hui selon nous.

La trame écologique qui irrigue l'entièreté du territoire, c'est le projet que nous défendons depuis 2006.

Nature en ville à Roubaix Nature en ville à Lille Sud