Dans le secret des dieux… (trucs et astuces)

Nous vous faisons ici la présentation des clés d’interprétation que nous utilisons pendant les Portraits Nature et vous invitons à vous en servir largement pour votre propre territoire.

Vous n’êtes pas ornithologue, ni botaniste ni naturaliste. Nous non plus. Pourtant nous nous autorisons à porter un jugement sur le potentiel écologique des espaces de nature que nous fréquentons, et ce, avec un degré d’erreur plutôt faible.

Cette évaluation ne produit ni un inventaire ni une certification écologique, ni une quelconque expertise professionnelle. Mais elle vous aidera à comprendre la qualité écologique de l’espace que vous observerez, à vous construire une opinion – sur la façon dont cet espace est géré – sur les services écologiques qu’il peut procurer – et sur les améliorations qu’il serait possible de lui apporter. Et cette connaissance renforcera vos positions dans les discussions avec les autres interlocuteurs de l’aménagement et de la gestion du territoire. 

A vous de les peaufiner, de les compléter, de faire l'exercice de l'observation des espaces qui vous entourent et de mieux envisager ce qui pourrait être fait ou proposé pour y améliorer la place de la vie animale et végétale sauvage.

A vous de comprendre alors à quel moment il vous faudra faire appel à un spécialiste pour confirmer ou infirmer une intuition.

A vous de sentir que les observations que vous pourrez ainsi mener sont indispensables à la défense de votre territoire, et que plus vous serez nombreux à les faire, plus vous renforcerez votre attachement à ces lieux ainsi que vos capacités de protection et de projet pour le territoire.

En effet, l'opinion que vous construirez ainsi, à plusieurs, vous permettra de mieux discuter avec un maire ou tout autre représentant de collectivité, avec un aménageur, un service espace vert, un ou des agriculteurs... Et cette opinion, que vous aurez construite, ensemble, sera solide. 

En ayant en tête les principales caractéristiques des grands milieux naturels régionaux, vous pourrez par un jeu de comparaison, apprécier si elles se retrouvent dans l'espace que vous observez. Plus elles y seront, plus l'espace observé réalisera le potentiel écologique de son milieu de référence. Et bien sûr, le contraire est vrai. Moins ces caractéristiques seront présentes, moins l'espace observé aura de chance de réaliser ce potentiel, c'est à dire d'accueillir toutes les espèces qu'il serait en mesure d'accueillir et de procurer tous les services écologiques qu'il pourrait être capable de fournir.

Exercice de comparaison des caractéristiques des milieux arborés urbain

avec celles des milieux forestiers

Exercice de comparaison des caractéristiques de berges artificielles

avec celles de berges plus naturelles

Exercice de comparaison des caractéristiques de zones enherbées et bordées d'une haie, en milieu urbain

avec celles de prairies et de haies de bocage

Exercice de comparaison des caractéristiques de surfaces minérales verticales urbaines

avec celles de parois minérales naturelles

Un habitat naturel correspond à une association donnée, homogène, de végétaux dans un climat donné. A l'échelle européenne, la base de données Corine Biotope les recense. L'Inventaire National du Patrimoine Naturel en fait une présentation simplifiée que vous pouvez consulter ici.

Un milieu naturel, correspond quant à lui à une association donnée d'êtres vivants (faune et flore formant la biocénose) dans un environnement caractéristique (biotope), complémentaires les uns des autres. Chaque grande catégorie de milieux naturels a sa propre palette végétale, elle-même fréquentée par certaines espèces animales adaptées aux ressources fournies par ces végétaux. 

Enfin, comme les exceptions font toujours la règle, il existe des espèces généralistes (par opposition aux espèces spécialistes, inféodées à un milieu), en capacité de trouver des ressources dans un milieu comme dans un autre. 

Et chaque catégorie de milieu naturel prend également une forme donnée selon le climat, le relief, la géologie, la longitude, la latitude... ce qui explique que la forêt alpine n'est pas la forêt ardennaise. 

Alors faisons l'exercice de redécouvrir ensemble les principaux milieux naturels régionaux

Les yeux fermés ou ouverts, commençons par évoquer leurs grandes caractéristiques, les visualiser, les ressentir, les associer les unes aux autres. Et en faisant défiler ces caractéristiques les unes après les autres, vous réaliserez en fait que vous saviez déjà tout cela, sans savoir que vous saviez, sans savoir comment organiser cette connaissance.

Cet l'exercice est déclinable à l'envie, par typologies de plus en plus fines de milieux naturels.

Par exemple à l'automne avec ses déclinaisons de couleurs et d'odeurs. Quelles sensations vous reviennent, sur quoi pouvez-vous imaginer être en train de marcher. Si vous mettez la main au sol, que touchez-vous ? Si vous relevez les yeux que voyez-vous ? Qu'y a-t-il au sol, pouvez-vous décrire ce qui le compose, ce que vous pouvez ramasser si vous vous baissez, ce que vous êtes obligé d'éviter pour ne pas l'écraser ou encore pour ne pas salir vos chaussures. Au sol, voyez-vous des traces de pas d'animaux ? Repérez-vous des sortes de sentiers qui pourraient emprunter certains d'entre eux au travers des végétaux, ou bien des excréments, toujours différents selon les espèces ou encore des arbres, au tronc marqué, sur lesquels certains se seraient frottés. Quelles sont les plantes présentes au sol ? Levez les yeux maintenant, regardez les arbres qui vous entourent. Sont-ils alignés ? Sont-ils tous les mêmes, qu'est-ce qui les différencie ? Sont-ils tous toujours enracinés ? Tous vivants ? Y a-t-il des plantes qui montent le long de leur tronc, lesquelles ? Y a-t-il des plantes dans les branches des arbres ? Lesquelles ? Et si vous touchez les écorces de ces arbres, que trouvez-vous de très doux qui peut les recouvrir ? Y a-t-il des insectes sur ces écorces, qu'y font-ils ? Et dans les branches, repérez-vous des nids d'oiseaux ? Entendez-vous des cris animaux, des branches qui cassent, des tapotements, des cognements, des piaillements, des cris moqueurs, du feuillage qui bruisse ?

Voilà, vous avez plongé l'espace d'un instant dans la forêt de votre enfance.

Les images ci-dessous en sont certainement une illustration plus ou moins proche. C'est une aide, un guide pour évaluer la qualité d'un espace arboré que vous pouvez être amené à observer.


Plus l'espace que vous observerez s'en rapprochera, plus il sera à même de réaliser son potentiel écologique. A vous d'acquérir ainsi quelques réflexes d'observation :

  • comment est le sol ?
  • comment sont les arbres ?
  • comment sont les autres végétaux ?

Ces observations vous permettront de comprendre ce qu'il faut faire pour améliorer la qualité écologique des espaces arborés que vous pouvez être à même de fréquenter.

Pour télécharger le document d'observation milieu forestier, cliquez ici.

Cette fois-ci nous vous proposons d'évoquer une rivière imaginaire dont le calme débit (nous sommes un plat pays) serait bordé ça et là par quelques larges et tranquilles zones humides marécageuses. Son parcours non canalisé fait des boucles et offre des berges sans arrêt changeantes. 

Commençons là aussi par le sol. Vous êtes à une dizaine de mètres de la rivière ou de la zone humide, dans une prairie. Est-il possible à un chevreuil ou à un hérisson d'aller boire à même la rivière sans tomber dedans ? C'est à dire, est-il possible d'avoir accès à l'eau par une berge en pente très douce ? Le sol de cette berge comment est-il, est-il sec ou humide au point qu'on s'y enfoncerait si on marchait dessus ? Y a-t-il des plantes qui peuvent s'enraciner dans les berges et ce jusque dans l'eau, et leur système racinaire vient-il consolider ces berges ? Y a-t-il des plantes qui ont les pieds dans l'eau ? Les plantes qui sont sur les berges sont-elles les mêmes que celles qui ont les pieds dans l'eau ? Ces bords d'eau sont-ils nets et propres ? Aperçoit-on au fond de l'eau des algues ? Y a-t-il des nénuphars avec leurs fleurs flottantes ? Au milieu de l'eau ou sur les bords, trouve-t-on des troncs d'arbres morts, des cailloux, des sortes d'amoncellements de matériaux qui forment des îles ? Y a-t-il des espaces depuis lesquels les échassiers peuvent observer la scène ? Y a-t-il des grands arbres qui permettent aux cormorans de sécher leurs ailes en les étalant ? Y a-t-il des amoncellements de matériaux naturels non reliés aux berges qui facilitent la nidification des oiseaux d'eau? Trouve-ton une épaisse roselière ? Trouve-t-on également des plages de sable, ou des zones herbacées favorables au canard colvert ? Si vous observez une berge en pente douce, observez-vous en face une berge argileuse, verticale et haute, qui permettrait au martin pêcheur ou à l'hirondelle des rivages de creuser leur nid ? Y a-t-il bien la présence de l'iris, de la salicaire, de la reine des prés, du jonc, du saule, de l'aulne glutineux... ?

Voilà, vous avez construit votre image de référence et l'illustration que nous vous en proposons y est certainement fidèle. Les réflexes pour apprécier une zone humide doivent questionner prioritairement la présence de berges en pente douce permettant l'enracinement des végétaux de milieux humides et notamment des roseaux et offrant l'accès à l'eau aux animaux terrestres. La progressivité de la profondeur du fond est également importante. Là encore la diversification des plantes, matériaux, végétaux, formes terrestres... favorise la biodiversité. 

Alors, qu'en est-il des zones humides de votre territoire, du canal qui traverse votre ville, de l'étang de pêche que vous connaissez, de la mare qui a été creusée avec une association locale, de l'ancienne petite rivière urbaine transformée en tout à l'égout et aujourd'hui enterrée ou encore du fossé qui borde la route ou certaines habitations ? Sont-ils correctement végétalisés ? Présentent-ils des berges en pente douce ?

Il est possible pourtant de restaurer, d'améliorer, de rétablir. Ci-dessous quelques images très inspirantes.

Pour télécharger le document d'observation milieu humide, cliquez ici.

C'est souvent l'image idéale que nous avons de la "campagne", celle qui se rapproche encore un peu des gravures et peintures anciennes. Des champs clôturés de haies, ici et là un petit bois, un arbre isolé, des animaux qui paissent, des espaces de prairies en fleur, des fossés humides, des chemins ruraux, des zones enherbées...

C'est dans ces espaces que l'on peut trouver les milieux prairiaux de notre région, avec leur expression spontanée de plantes sauvages. Différentes hauteurs, couleurs, formes de feuillages et de fleurs peuvent s'exprimer et s'entremêler. Et c'est ici que devrait se trouver le paradis des insectes pollinisateurs (papillons, abeilles sauvages et domestiques, syrphes...), des araignées, des petits passereaux (chardonneret élégant, alouette des champs, fauvette des jardins, fauvette grisette, fauvette babillarde, tarie pâtre, linotte mélodieuse...), des petits mammifères (lérot, campagnol, musaraigne, hérisson, fouine, belette...), de quelques oiseaux limicoles (vanneau huppé) ou de corvidés (corbeau, choucas des tours...). C'est également le milieu de quelques "grands" prédateurs ou régulateurs comme les renards ou certains rapaces. 

Les haies servent d'espaces de nidification, de repos, de cachette à une grande partie de ces animaux mais également d'espaces de nourrissage (nectar des fleurs des arbustes, fruits) et la prairie ou le champs cultivé peuvent également avoir ces deux fonctions. La taille des haies fournit également du bois, matière première à de nombreuses utilisations : énergie, vannerie, BRF (Bois Raméal Fragmenté, utilisé pour la restauration des sols)...

Il faut s'assurer que les espaces de votre territoire sensés accueillir ce qu'on appelle "la strate herbacée" (soit la prairie) ne soient pas uniquement des pelouses rases mais puissent développer toutes ces palettes végétales, dans leur expression spontanée. Dans cet objectif, les collectivités ont mis en place de nouveaux modes de gestion plus écologiques et plus économiques (qu'on appelle la gestion différenciée des espaces verts) qui permettent à des bords de routes, des ronds-points ou à d'autres espaces de pelouse, de laisser s'épanouir cette diversité végétale. Ces pratiques sont à généraliser dans nos parcs, cimetières, jardins, cours d'écoles, espaces verts de résidences collectives, centres sportifs, espaces verts d'entreprise... C'est le moins que puissent faire les communes, les bailleurs, l'éducation nationale, les entreprises... aujourd'hui.

Quelques images ci-dessous pour vous montrer comment les habitats naturels du bocage peuvent également s'inviter en ville...

Pour télécharger le document d'observation "milieu prairial et arbustif", cliquez ici.

Les milieux arides sont des milieux terrestres "secs" à dominante minérale. Ils sont peu présents à l'état naturel dans la région mais existent tout de même ponctuellement comme les coteaux calcaire. Ils peuvent également avoir été créés par l'homme comme les anciens terrils et les friches dont les sols sont souvent très minéraux et qui par ailleurs sont généralement très pollués. On peut aussi mettre dans cette catégorie les catiches et autres carrières qui font office de grottes pour les premières et de relief pierreux voire de falaises terrestres pour les secondes.

Par ailleurs, la végétation et la faune ont eu tôt fait de s'adapter aux habitats de substitution aux falaises et à la rocaille, construits par l'homme : murs de briques et de torchis, cloisons de bois, façades en pierre, greniers, clochers, granges, caves remplacent habilement les rochers, grottes, pierriers qui permirent aux espèces vivantes dites "cavernicoles" de trouver une multitude d'opportunités et d'agrandir leurs territoires. Chouettes effraies adeptes des clochers, hirondelles des bords de fenêtres, mésanges et rouge-queues des moindres failles dans les bâtisses, choucas des tours, moineaux domestiques, martinets... ils sont nombreux à avoir fait le grand saut. Il en est de même pour les insectes (abeilles solitaires qui font leur nid dans les joints de vieux murs), pour les chauve-souris (caves, volets, greniers), pour les lérots qui hibernent parfois dans nos toitures, pour les araignées...

Le vertical et l'horizontal des bâtiments urbains jouent donc un rôle important pour la faune des villes. Encore faut-il qu'ils maintiennent leurs capacités d'accueil du vivant à savoir des creux, des bosses, des interstices, des matériaux partiellement meubles, des balcons, des corniches... Or l'architecture moderne évolue vers le lisse, le carré, des matériaux absolument étanches. Elle détruit ainsi petit à petit les conditions d'existence de cette faune.

D'autre part malheureusement, en région, les carrières sont comblées la plupart du temps sans prise en compte de la faune qui y trouve refuge. Seuls les terrils sont considérés aujourd'hui comme des espaces de nature.

Pour les sols minéraux, les graviers, les pavés, les vieux bitumes éclatés, les ballasts d'anciennes voies ferrées accueillent une végétation spécifique, celle qu'on retrouve sur les terrils et dans les milieux de rocaille du Sud : sedum, vipérine, millepertuis perforé... Cette flore adaptée au manque d'eau est particulièrement délicate et permet d'enrichir également la palette des insectes présents sur notre sol. C'est aussi dans ces milieux que l'on pourra observer la présence du lézard des murailles ou de l'orvet.

Pour télécharger le document d'observation milieu secs terrestres, cliquez ici.